LES LIEUX SACRES


Les lieux sacrés sont tout simplement ceux consacrés à Dieu, les lieux où l’on va méditer et prier le « SEE »; ces lieux permettent alors aux bamilékés d’être en relation directe avec lui. Ils  sont des endroits où la puissance de Dieu est plus manifeste que partout ailleurs.  Ces lieux sont choisis à partir des oracles et des révélations reçues par des Nkam-si (prêtre), Mani-si (prêtresse) et autres médiums.  Ils sont multiples, il s’agit par exemple des forêts, de la case des ancêtres. Ils sont qualifiés ainsi parce qu’ils permettent d’entrer en contact avec Dieu.
Dans le pays Bamiléké au Cameroun, l’un des signes qui montrent au voyageur qu’il est aux abords du palais royal ou de la concession d’un grand notable c’est souvent une immense forêt manifestement bien entretenue. On y voit de grands arbres, et les longues lianes qui s’enchevêtrent indiquant que ces forêts ne sont pas trop fréquentées ou sont peu exploitées. Ce lieu sacré se retrouve dans chaque grande concession à l’intérieur de laquelle se trouvent plusieurs cases. C’est ainsi que, tous les habitants de la concession peuvent aller s’y recueillir. Les forêts sacrées sont encore des lieux de concentration par excellence des arbres et des zones des pratiques religieuses. A l’époque, la forêt sacrée jouait  le rôle de l’église, des temples que nous avons aujourd’hui. Contrairement à l’imagerie populaire, les bamilékés sont considérés comme étant des êtres très religieux, ils sont monothéistes car ils croient en un seul Dieu ou « SEE», ce qui s’explique alors par l’utilisation chez eux des forêts sacrées. celles-ci ont différents statuts ; nous avons les forêts sacrées familiales : il s’agit généralement des entrées ainsi que des bas-fonds divinisés des concessions des grands notables ; ce sont les membres de la famille et les voisins immédiats qui y viennent célébrer des rites. Les forêts sacrées du village « La’a » : il s’agit des lieux saints où tout nouveau chef doit venir faire des offrandes aux esprits du village. Le nouveau chef (le Fuo ou le Fô ou le Fon chez les Anglophones de la région du Nord-Ouest) y fait immoler une chèvre, il offre de la nourriture, du sel, de l’huile de palme, le ndindim (jujube) et d’autres objets prescrits par la coutume. A la fin de la cérémonie le sacrificateur remet une poignée de terre ramassée à cet endroit au chef. Il y a des rites que l’on célèbre seulement aux abords de la forêt sacrée. Quand il s’agit du chef ou d’un grand notable, on pénètre plus profondément dans la forêt sacrée pour officier au « SEE » ; le «  Lefem », c’est-à-dire le sanctuaire. Dans le même sens, la forêt sacrée sert aussi pour les sacrifices ; ces sacrifices à l’époque étaient considérés comme une quête non monétisée des offrandes comme on le fait à l’église lors des fêtes religieuses ou lors des cultes ordinaires ou encore dans la Bible lorsque l’on égorgeait des taureaux en sacrifice. Les habitants de la concession s’y rendent alors pour prier Dieu et renforcent ces prières à l’aide de sacrifice comme le sel, l’huile rouge ou bien le sang d’un animal égorgé. La forêt sacrée est donc un lieu de culte.
Les forêts sacrées abritent toutes les espèces d’arbres, d’oiseaux et d’animaux qu’on rencontre dans le village. Actuellement dans le village Bamendjo, commune de Mbouda, le seul endroit où vous pouvez encore voir des singes qui se balancent d’un arbre à l’autre c’est dans la forêt sacrée du palais royal. Il est interdit de chasser ces singes et ces oiseaux. Les totems des chefs et des notables sont réputés se cacher dans les forêts sacrées. La forêt sacrée est donc très importante du fait d’abord que c’est un lieu consacré à Dieu d’une part, d’autre part, elle peut permettre d’entrepôt pour des voyageurs pendant des jours sans surveillance et il n’y a pas de risque que des biens y soient être dérobés. Aussi c’est dans les forêts sacrées que les guérisseurs, « Kam si » et les guérisseuses ou « Mani si » vont cueillir les plantes et les herbes pour la pharmacopée traditionnelle. Les forêts sacrées sont le siège des dieux et des esprits du village. Les forêts sacrées sont également des sites de biodiversité et constituent aujourd’hui le dernier rempart dans la lutte pour la sauvegarde de notre environnement.  Pour traiter certaines maladies, on fait boire au malade une eau puisée dans la source qui prend naissance dans la forêt sacrée.

Les bamilékés sont des êtres bien organisés ; l’intronisation du chef passe d’abord par une initiation qui se fait au la’akam. Ce lieu est aussi sacré puisque, personne n’a le droit de s’y aventurer à l’exception des initiés. Ce lieu ne se trouve pas forcément en forêt mais toujours à la chefferie, dans un endroit très reculé. Le la’akam peut donc être juste une case aménagée dans la chefferie pour le chef en initiation lequel n’a le droit d’entrer en contact avec personne d’autre en dehors des initiés. Il n’a non plus le droit de sortir de là avant la fin de son initiation qui se fait pendant 9 semaines. C’est là que le futur chef apprend tout ce qu’il y a à savoir sur la chefferie, les habitants, les relations que la chefferie entretient avec les autres chefferies, avec le préfet, le sous-préfet. Il y apprend aussi à ce qu’il doit faire et ne pas faire, comment il doit le faire; bref, son rôle au sein de la chefferie et son comportement. En  d’autres termes, on l’y initie sur ses différentes fonctions de chef. C’est aussi là que les notables s’assurent de la survie de la chefferie.
En effet, n’entre au la’akam que celui qui a atteint l’âge de la procréation, et ne devient véritablement chef que celui qui est à mesure de procréer car procréer c’est aussi s’assurer de la survie de la chefferie. Ainsi, lorsque le futur chef entre au la’akam, certaines jeunes filles le suivent. Futur chef pourquoi ? Parce qu’il l’est pas encore et au terme de son initiation, il peut bien ne plus être chef. Comme dit plus haut, certaines filles en mariage, qui deviendront les épouses du chef, sont amenées au la’akam, pour porter en leur sein, le futur héritier du royaume. Si au terme du rite initiatique ou la’akam, aucunes des nombreuses filles ne sont enceintes, on considère le chef comme étant incapable de procréer. Et pour que la chefferie ne devienne comme celle de Bafeko c'est-à-dire sans chef depuis environ 40 ans du fait qu’il n’y eu aucun héritier, le chef qui ne peut donc pas avoir d’enfants, se verra tuer et les notables auront dès lors pour charge d’en choisir un autre.