HISTOIRE DE BABADJOU DE FO NDZIDJOUO A FO TOUOYEM II : ENTRE RESISTANCE ET COLLABORATION


Ghislain Lontchi 21.07.2015 6393 0

Les Fô Ndzijouo et Fô Touoyem II ont régné à Babadjou pendant la période du Cameroun sous protectorat allemand

Ce Qui Rend Cette Partie De Notre Histoire Inaccessible, Est E Fait Que Les écrits Soient En Langue Allemande Encore Difficile à Décrypter Et La Rareté Des Documents. Dans Cette Période Choisie, Nous Remarquons Un Peuple Instable Qui Au Départ Oppose Des Résistances Aux Colons Européens Et Par La Suite Va Donner Collaborer Avec Ces Derniers. Déjà Dans Le Ntang La’ No 14 On Traitait L’histoire De Babadjou Jusqu’à Fô Ndzijouo, Promettant Continuer Dans Les Prochains Numéros Après Plus De Recherches Sur Le Sujet.

Bien Qu’arrivés Au Kamerun En 1884, C’est En 1902 Que Les Allemands Arrivent à Babadjou Après La Construction De La Station Militaire De Bamenda La Même Année. A Leur Arrivée, Ils Sont Tout D’abord Impressionnés Par L’exploitation Du Sol à Babadjou Et Les Cultures (de Subsistance) Qui Y Sont Produites. Babadjou, Situé Sur La Ligne De Conquête Du Nord Est, Faisait L’objet De Convoitise Des Allemands. C’est Dans Cette Optique Qu’une Expédition Conduite Par Le Premier Lieutenant Strümpell Dans La Partie Sud Du District De Bamenda Arrive à Babadjou Le 15 Mars 1902 Dans Le But De Découvrir Cette Terre Encore Inconnue Par Les Allemandshttp://babadjou.net//news/img/colonial_zeit.jpg

Après Un Bref Séjour Amical (ndlr: Dont L’explorateur Allemand Ne Précise Pas La Durée) à Babadjou, Strümpell Et Sa Suite Regagnèrent Le Poste De Bamenda. Fô Ndzijouo Avec Eux, Et Firent Part Des Merveilles Des Villages Visités, Entre Autre Babadjou. C’est Dans Le But De Mettre Ces Nouvelles Terres En Valeur Qu’une Seconde Expédition Conduite Par Le Lieutenant Hirtler, Chef De La Station Militaire De Bamenda, Arrive à Babadjou Le 26 Février 1903, dans Le but De Négocier Avec

Fô Ndzijouo (de Retour Déjà De Bamenda) La Route Qui Devait Relier Le Poste De Bamenda à Celui De Dschang, Passant Par Babadjou. Le Chef Donna Son Accord Après Une Journée De Négociation Avec L’officier Allemand. Notons Qu’à L’annonce De L’arrivée De L’officier Allemand, Le Chef Lui Réserva Un Accueil Chaleureux. Les Vivres Ont été Apprêtés Et Des Femmes Qui Prendront Soin Du Visiteur. Ce Comportement Du Chef N’était Pas Signe De Peur Du Colon, Mais Plutôt D’hospitalité. L’officier Allemand Est émerveillé Surtout Par Ce Grand Arbre Aux Fruits Noirs Appelé «mbeuh», Ressemblant Aux Prunes Et Se Consommant Cuits, Très Appétissant, Mais Pourtant Sans Condiments.

Parmi Les Plans Des Allemands à Babadjou On Peut Noter L’idée De Propagation De L’évangile, La Construction De La Route Bamenda-Dschang Et La Construction De La Route Lancée Depuis Bamenda En Juin 1904 évolue Sans Heurts. Seulement Les Travailleurs Babadjou Mis à La Disposition Des Allemands Sont Maltraités. Peu De Temps Après, Les Nouvelles Des Maltraitances Des Allemands à L’endroit Des Travailleurs Parvinrent à Fô Ndzijouo Et C’est Ainsi Qu’une Fois La Route Construite Jusqu’à Babadjou, Le Chef Ordonna Ses Sujets à Abandonner Les Travaux, Donna L’ordre Aux Femmes De Cesser Avec L’approvisionnement Et S’opposa Lui-même Contre Le Passage De Cette Route Sur Son Territoire. C’est Ainsi Qu’en Septembre 1904 La Construction De La Route Est Interrompue. Après Moult Tractations, Aucune Issue Favorable Ne Fut Trouvée, Ce Qui Passa D’une Simple Désobéissance Civile à Une Lutte Armée. Le 11 Septembre 1904, Le Lieutenant Putlitz, Chargé De Diriger Les Travaux, Est Mis En Mal à Babadjou Et Se Trouve Obligé De Battre En Retraite: C’est Ce Soulèvement Que Le Colon Allemand Appelera Désormais La Résistance Babadjou.

Dans Ce Grand Désordre, Certains Babadjou Trouvèrent Refuge Dans Es Villages Voisins. La Station De Bamenda Lança Un Cri De Secours à La Station De Fontemdorf (Dschang), Qui Lui Vint En Renfort. En Novembre 1904 L’officier Allemand Kouobloch, Accompagné Du Lieutenant Rausch Se Rendit à Babadjou

pour Mettre Fin Au Soulèvement. Une Fois La Situation Apaisée, Il Fallait Faire Payer Aux Babadjou Le Prix De Leur Insoumission Et Du Tort Causé. Courroucés, Les Allemands Se Décidèrent De Déporter Le Chef Fô Ndzijouo Au Poste De Bamenda Pour Un Châtiment Exemplaire. N’étant Pas à La Première Expérience De Déportation Et Conscients Des Sévices Qui Allaient Lui être Infligés Au Fort De Bamenda, Il Décida Donc De Prendre La Fuite. C’est Donc Où Un Soldat Bali, Travaillant Aux Côtés Des Allemands Lui Place Une Balle Dans Le Dos Et Le Chef Tomba Les Armes à La Main, Sous Le Regard De Ses Sujets Cachés Dans La Brousse. Dans Un Rapport Du Chef De Station De Bamenda Adressé Au Gouvernement Impérial Le 1er Avril 1905, Hitler Rapporte Les Faits Comme Suit: «Pendant Sa Déportation Au Fort De Bamenda Où Il Allait Purger Sa Peine Conformément à Sa Faute, Le Chef Insubordonné Tenta La Fuite Et Un Bali, Sans Attendre L’ordre, Tira Sur Ce Dernier.» (Ndlr: Traduit Du Texte Original En Allemand Obtenu Aux Archives Nationales De Yaoundé). La Tradition Orale Rapporte Qu’une Bonne Partie De La Population Fut Appelée à Abattre Un Grand Arbre (Teu Mbeuh) Qui Empêcherait Le Passage De La Route Et De Le Soutenir à Sa Chute De Sorte Qu’il Ne Perde Aucune De Ses Feuilles. Ce Spectacle Inouï Se Déroulait Au Lieu Dit Metaa Touo’ Et Sous Le Regard Du Chef Qui à La Chute De L’arbre A Donné L’ordre à La Population De S’enfuir Dans La Brousse. Elle Parle également De La Fusillade Du Chef Juste Après Qu’il Ait Donné L’ordre. Certes L’officier Allemand A Déjà Parlé De Cet Grand Arbre, Mais Avait-il été Demandé Aux Populations De L’abattre Et De Le Soutenir Avec Leurs Mains à Sa Chute? Cette Autre Version Nous Paraît Moins Vérifiée, Car Comment Les Allemands Qui Avaient Besoin De Main-d’œuvre Et De Porteurs Auraient Plutôt Choisi De Sacrifier Les Hommes Pourtant Sous D’autres Cieux Ils Les Mettaient à Leur Compte Pour Des Tâches Ci-haut Citées?

Pour Le Remplacer, Le Jeune Chef, Fô Touoyem II Est Désigné Malgré Son Jeune âge Pour Présider Aux Destinées Du Village Plongé Dans La Tourmente. Le Jeune Chef Arrive Donc à Un Moment Où Le Village Entier Est épris De Peur Après

l’assassinat De Son Prédecesseur. Conscient Des Dangers Qui Le Guettaient Et Des Risques Qu’il Courrait S’il Tenait Tête à Ses Nouveaux Maîtres, Le Chef Entreprit De Collaborer Avec Ces Derniers, Même Si Ce N’était Pas Une Vraie. C’est Ainsi Qu’en Janvier 1905 Les Travaux De Construction De La Route Reprirent. Entre Temps Se Développa à Babadjou La Psychose Du Blanc Et Pour Sanctionner Cet Acte Ignoble Posé Par Ces Derniers, Les Notables Du Village Se Réunirent Et Organisèrent Un Rite De Condamnation Du Blanc Ainsi Que Tout Fils Babadjou Qui Tentera De Suivre Un Pan Mekou. C’est Ce Fameux Rite Au Cours Duquel Un Chien Noir Fut Enterré Vivant Avec Bien D’autres Objets De Parjure. Notons Que L’élite A Tellement été Psychologiquement Influencée Par Cette Malédiction Que Des Cérémonies Furent Organisées à Babadjou En 1973 Pour Annuler Ce Serment.

C’est Donc Sous Le Règne De Fô Touoyem II Que Les Allemands Réalisent Avec Succès Leurs Projets à Babadjou. Il Favorise L’implantation Du Christianisme à Babadjou En Se Convertissant Lui-même Au Christianisme. Entre 1909 Et 1910, Il Autorisa La Construction D’une église à Babadjou (l’actuelle église Catholique De Toumaka). Le Peuple Adhère Mal à Cette Nouvelle église Et Ne L’accepte Pas. Pour L’imposer, Les Allemands Avec L’appui Du Chef Accordaient Certains Privilèges à Ceux Qui Se Convertissaient Au Christianisme. Il Leur était Offert Vêtements Et Autres Cadeaux Précieux. Puisque Ces Convertis étaient En Retour Rejetés Par La Société, Les Missionnaires Créèrent Donc Des Camps De Chrétiens, Pour Que Ces Derniers Ne Soient Plus Menacés Par Les Non Convertis. Outre Mesure De Pression, Les Chrétiens étaient épargnés Des Travaux Dans Les Plantations Et Du Portage; Seuls Ceux Qui Refusaient De Se Convertir En Devaient Subir. C’est Donc Pour Cette Dernière Raison Que Beaucoup De Personnes Prirent L’initiative De Se Convertir Au Christianisme Leur Gré Malgré. Cela S’explique De Nos Jours Par Les Syncrétismes à Babadjou, à Savoir Le Culte Des Ancêtres Et Le Christianisme. Ceci Montre Que La Collaboration Sous Le Règne De Fô Touoyem II N’était Qu’une Collaboration Voilée.

Article Réalisé Par Serge Roland Ndjowe Et Darios Kamta TCHIFFO

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